Les leçons d’une abstention massive

Publié le par monde et vie

Faudra-t-il, comme en Belgique, mettre à l’amende les abstentionnistes pour convaincre nos concitoyens d’aller remplir leur devoir de bon républicains ? Ceux qui ne veulent pas être libres, on les y forcera, écrivait déjà Rousseau… Les Français sont-ils las de la liberté ? Ou se font-ils une autre idée de la liberté que celle que leur propose le régime, et qui consiste pour l’essentiel à glisser dans une enveloppe le nom d’un ou de plusieurs candidats estampillés par les partis politiques. Est-ce parce qu’elle sort de l’urne ? Cette liberté-là a un goût de cendre.

De toute évidence, elle séduit de moins en moins les Français. Que signifient les scores réalisés par telle ou telle faction, quand plus de la moitié des électeurs refuse de se prêter au jeu démocratique ? Au lendemain du premier tour des régionales, des commentateurs soulignaient sur une chaîne de radio que Martine Aubry évitait tout triomphalisme. Comme si le triomphalisme était de mise, pour quelque parti que ce soit !

Les socialistes ont obtenu les suffrages de 29 % de 47 % des électeurs inscrits : ça ne fait pas 12 % de l’ensemble du corps électoral. Quelle belle victoire ! L’UMP, parti présidentiel, n’atteint pas 11 % des inscrits. C’est une gifle sonore assénée à l’ensemble de notre gente politique, une manière de lui dire, à l’occasion d’élections qui passent – à tort – pour des élections mineures, qu’on l’a assez vue, qu’on n’en veut plus. Le plus étrange, dans ces conditions, n’est pas que nos politiciens s’abstiennent de triompher, mais qu’ils continuent de pérorer sur les plateaux de télévision. Rien ne leur apprendra l’humilité…

Au-delà de ce discrédit, il est une autre leçon à retenir de ce premier tour de scrutin. Comme les inévitables observateurs professionnels de notre vie publique n’ont pas manqué de le noter, c’est en particulier l’électorat de droite qui s’est abstenu. Bayrou, l’ex-troisième homme des médias, disparaît ; l’ UMP s’enfonce, tandis que le Front national refait – timidement – surface. Il aurait cependant bien tort, lui aussi, de se réjouir trop bruyamment : 12 % de 47 % ne représentent pas même 6 % des électeurs inscrits. Si l’on s’en tient à la tendance exprimée, cependant, il apparaît que les Français rejettent massivement le centrisme et sanctionnent l’ »ouverture » à gauche pilotée par le président de la République.

Après s’être fait élire sur un discours à tonalité droitière par un électorat de droite, Nicolas Sarkozy a conduit une politique de gauche, cocufiant ceux qui lui avaient fait confiance. De cette tromperie naît le divorce.

Parce qu’ils confondent l’écho médiatique avec l’opinion publique, les politiciens de la droite parlementaire commettent depuis des décennie la même erreur, qui consiste, sitôt élus, à faire à la gauche les yeux de Chimène. La seule politique qu’ils se sont refusés à tenter, celle qu’ils refusent absolument d’appliquer, c’est la politique d’ouverture à droite dont un Berlusconi a donné l’exemple en Italie. Cette politique-là assurerait durablement la droite au pouvoir pour la plus simple des raisons : la grande majorité des Français est de droite.

Malheureusement, Nicolas Sarkozy, lui, ne l’est pas ; c’est pourquoi il n’est pas exclu – il est même prévisible, au contraire –, que la gauche, minoritaire dans le pays, revienne aux affaires en 2012.

Hervé Bizien

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