Crucifix ? Non merci / Par Olivier Figueras

Publié le par monde et vie

Le 3 novembre dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné l’Italie pour la présence de crucifix dans les salles de classe, qu’elle a jugée contraire au droit des parents d’éduquer leurs enfants selon leurs convictions, et au droit des enfants à la liberté de religion.

L’affaire avait été portée devant les tribunaux par Solie Lautsi, une Italienne résidant à Abano Terme, dont les enfants, Dataico et Sami Albertin, âgés respectivement de onze et treize ans, avaient fréquenté en 2001-2002 l’école publique Vittorino da Feltre où toutes les salles de classe étaient pourvues d’un crucifix. Elle estimait leur présence contraire au principe de laïcité et avait informé l’école de sa position, invoquant un arrêt de la cour de cassation qui avait jugé la présence de crucifix dans les bureaux de vote contraire au principe de laïcité de l’Etat. A l’époque, la direction de l’école, se fondant sur une directive du ministère de l’Instruction publique, avait décidé de laisser les crucifix dans les salles de classe. En 2004, devant la Cour constitutionnelle, le gouvernement avait soutenu que cette présence était naturelle, le crucifix n’étant pas seulement un symbole religieux, mais aussi, en tant que « drapeau » de la seule Eglise nommée dans la Constitution, un symbole de l’Etat italien. Le 17 mars 2005, le tribunal administratif avait rejeté le recours de la requérante, jugeant que le crucifix était « à la fois le symbole de l’histoire et de la culture italienne et par conséquent de l’identité italienne ». Le 13 février 2006, le Conseil d’Etat avait ensuite rejeté son pourvoi au motif que la croix était devenue une des valeurs laïques de la Constitution italienne et représentait les valeurs de la vie civile. Mais les juges de Strasbourg ont estimé que la croix peut aisément être interprétée par des élèves de tous âges comme un signe religieux, signe qui peut être perturbant pour des élèves d’autres religions ou athées. Ils ont donc conclu à l’unanimité à la violation de l’article 2 du protocole 1 (droit à l’instruction) conjointement avec l’article 9 de la Convention (liberté de pensée, de conscience et de religion), et alloué de ce fait 5 000 euros à la requérante pour dommage moral. L’Etat, explique la Cour, doit s’abstenir d’imposer des croyances dans les lieux où les personnes sont dépendantes de lui. Le gouvernement italien a immédiatement fait appel de cette décision, tandis que la publication du jugement européen provoquait l’indignation populaire. Ainsi 84 % des personnes se sont dites favorables à la présence du crucifix dans les écoles, selon un sondage réalisé cinq jours après la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme, contre 14 % qui ont dit non, et 2 % qui ont déclaré être sans opinion. La réaction politique a été très nette. Pour le chef du gouvernement italien, « il ne s’agit pas d’une sentence coercitive. Il n’y aucune possibilité de coercition qui nous empêche de garder les crucifix dans les salles de classe. » « Cette décision est inacceptable pour nous Italiens. » C’est « une de ces décisions qui nous font douter du bon sens de l’Europe », a précisé Silvio Berlusconi. Avant de conclure : « Nous sommes un pays où nous ne pouvons pas ne pas nous dire chrétiens. » La classe politique lui a emboité le pas. Dès l’annonce du verdict, le ministre de l’Education, Mariastella Gelmini, a dénoncé une décision « idéologique ». La croix « ne signifie pas une adhésion au catholicisme, mais c’est un symbole de notre tradition », souligne-t-elle. « L’histoire de l’Italie passe aussi à travers des symboles : en les supprimant on supprime une partie de nous-mêmes. (…) Personne, et encore moins une cour européenne idéologique, ne réussira à supprimer notre identité. Notre Constitution reconnaît en outre, justement, une valeur particulière à la religion catholique. » Ce verdict « piétine nos droits, notre culture, notre histoire, nos traditions et nos valeurs », renchérit le ministre à la Simplification administrative, Roberto Calderoli. « Dans tous les cas de figure, ajoute-t-il, les crucifix resteront sur les murs de nos écoles où ils ont toujours été, comme nous continuerons à avoir nos crèches ou à fêter Noël, car nous sommes fiers de nos symboles et de leur signification. » « Le dialogue interreligieux passe par la tolérance et le respect, non par une guerre contre le crucifix, qui est au contraire un symbole de bonté et de paix qui, par tradition, trouve depuis toujours sa place dans les salles de classe de nos écoles », commente pour sa part le sénateur Mauro Cutrufo, vice-maire de Rome.
Olivier Figueras

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